« On ne dissout pas un soulèvement » est bien plus qu’un simple livre, c’est une déclaration de guerre pacifique contre l’oppression d’un capitalisme radicalisé qui nous conduit vers une misère environnementale et sociale, tout en nous précipitant vers une mort inexorable. Réunissant les voix de Geneviève Azam, Jérôme Baschet, Aurélien Berlan, Blue Monk, Christophe Bonneuil, Isabelle Cambourakis, Confédération paysanne, Alain Damasio, Des cantinières et cantiniers de l’Ouest, Philippe Descola, Virginie Despentes, Alix F. , Malcom Ferdinand, David Gé Bartoli, Sophie Gosselin, Florence Habets, Lea Hobson, Celia Izoard, François Jarrige, Léna Lazare, Julien Le Guet, Cy Lecerf Maulpoix, Martine Luterre, Marcelle et Marcel, Virginie Maris, Tanguy Martin, Gaïa Marx, Baptiste Morizot, Naturalistes des Terres, Kassim Niamanouch, Lotta Nouqui, Alessandro Pignocchi, Geneviève Pruvost, Kristin Ross, Scientifiques en rébellion, Isabelle Stengers, Françoise Vergès, Eduardo Viveiros de Castro, Terra Zassoulitch et de dizaines d’organisations internationales, cet ouvrage publié par les éditions Seuil en 2023 est une œuvre d’une urgence palpable et d’une profonde résonance.
Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans un monde où la résistance est un acte de survie. Les auteurs ne se contentent pas de dénoncer les injustices, mais ils offrent également un manifeste pour l’action. Leur message est clair : la passivité est complice, et seule une action issue de l’intelligence collective peut induire le changement radical nécessaire pour sauvegarder notre planète et ses habitants.
Ce qui rend cet ouvrage particulièrement fascinant, c’est la manière dont il établit des parallèles frappants avec les idéaux de l’écologie sociale telle que prônée par Murray Bookchin. Les Soulèvements de la Terre semblent embrasser pleinement les concepts de Bookchin, notamment en ce qui concerne la nécessité de réorganiser la société selon des principes écologiques et égalitaires. Comme le soulignait Bookchin, la crise écologique est aussi une crise sociale, et les Soulèvements de la Terre intègrent cette perspective de manière percutante.
Tout comme Bookchin l’a proposé, les auteurs de « On ne dissout pas un soulèvement » rejettent l’idée selon laquelle la lutte pour l’environnement devrait être séparée des luttes pour la justice sociale. Au contraire, ils mettent en lumière les intersections complexes entre les deux, soulignant que la libération humaine est inextricablement liée à la défense et à la libération de la nature – et vice versa.
L’ouvrage offre également des réflexions profondes sur la démocratie directe, un concept cher à Bookchin. Les Soulèvements de la Terre mettent en avant l’importance de la participation citoyenne et de la prise de décision collective dans la construction d’un avenir soutenable et digne. Ils rejettent les structures de pouvoir centralisées et favorisent une approche décentralisée et inclusive où chaque voix compte.
Enfin, « On ne dissout pas un soulèvement » est un appel à l’action immédiate. Les auteurs ne se contentent pas de décrire les problèmes, mais ils offrent également des solutions concrètes et des pistes d’action pour ceux qui sont prêts à se joindre à la lutte.
En conclusion, « On ne dissout pas un soulèvement » est un livre essentiel pour quiconque se soucie de l’avenir de notre planète et des générations futures. En s’appuyant sur les idéaux de l’écologie sociale de Murray Bookchin, les Soulèvements de la Terre offrent un plan audacieux pour un changement révolutionnaire. C’est un appel à la résistance, à la solidarité et à l’espoir dans un monde qui en a désespérément besoin.
Composition, nous préférons ce mot aux métaphores militaires: « alliances», «front». Celles-ci évoquent des unions utilitaristes où chaque fraction reste campée sur sa position. La « composition », c’est bien plus qu’une jonction éphémère contre un ennemi commun qui tient lieu de figure unificatrice. Les luttes sociales actuelles sont réglées par le rythme de l’« intersyndicale ». L’écologie institutionnelle est structurée autour d’initiatives « inter-orga ».
Ce vocabulaire diplomatique souligne le caractère bureaucratique de ces alliances. Des grosses machines se rassemblent, mais semblent le plus souvent additionner leurs inerties. Fondées sur l’unanimité entre les parties, ces coalitions finissent hélas bien souvent par privilégier leur maintien à la dynamique réelle du mouvement. Or la composition, c’est tout autre chose.
En mécanique, on parle de « composition de forces, de vitesses, de mouvements ». En imprimerie,on parle d’ « assemblage de caractères ». Mais le plus inspirant, c’est résolument la composition musicale, qui exige un sens de l’harmonie, de l’orchestration et des contrastes. Mais comment définir la « composition » au sens politique ? Disons avec Gilles Deleuze qu’elle est « cette étrange unité qui ne se dit que du multiple ». Ce n’est ni l’unité superficielle de l’alliance, ni l’intégration homogénéisante à un bloc qui efface les singularités et les contradictions.
Dès l’origine, les Soulèvements de la Terre furent une dynamique de composition. À l’hiver 2021, des forces a priori étrangères les unes aux autres se sont assemblées.
Ce mouvement est une polyphonie où se mêlent :
– de jeunes activistes pour le climat, lassés des marches pacifiques et des coups d’éclat éphémères, qui cherchent une prise concrète et durable sur la catastrophe climatique ;
– des habitant·es en lutte, organisé·es localement pour défendre leur territoire menacé par un projet d’infrastructure, qui mènent des recours juridiques et des actions directes, mais qui voient plus loin que le bout de leur jardin;
– des paysan·nes, syndiqué·es ou pas, désireux de renouer avec l’héritage du mouvement des paysans-travailleurs, avec l’époque où la Confédération paysanne était la cheville ouvrière de l’altermondialisme et qui veulent reconstruire un rapport de force sur les questions foncières en sortant du corporatisme;
– des habitant·es de ZAD qui ont compris que l’occupation était un levier puissant, mais pas une recette miracle, et qui souhaitent prolonger la composition victorieuse contre tel ou tel projet pour insuffler un rapport de force à l’échelle nationale;
– des partisan·es de l’autonomie politique animé·es par la volonté de s’organiser depuis un entrelacs de complicités par-delà l’entre-soi radical, de déborder le strict cadre de la manifestation urbaine et de diffuser des pratiques offensives et des perspectives révolutionnaires.
À ces forces initialement engagées, s’agrège peu à peu une multiplicité de groupes et d’organisations. Quoi de commun a priori entre ces forces ? Pas grand-chose, si l’on raisonne en termes d’identité et d’échelle. S’il avait fallu les réunir sur la base d’un accord politique et théorique préalable, elles se seraient entre-déchirées sur des questions aussi fondamentales que le rôle de l’État, l’exercice de la violence politique, l’analyse des causes de la catastrophe écologique, la question démocratique… Si elles composent ensemble, c’est d’abord depuis un constat stratégique partagé et un terrain d’action commun. La nécessité de relier les luttes contre l’accaparement des terres et de l’eau par le complexe agro-industriel et celles contre la voracité de métropoles qui déversent sur le monde un flot continu de béton. La nécessité de multiplier partout en France des actions de blocages, de désarmement et d’occupations pour instaurer un rapport de force en défense de la Terre.
Chaque force prise isolément fait face à sa propre impasse : frénésie activiste, localisme, cogestion syndicale, fétichisme de l’émeute, etc. Mais parce que ces forces jouent ensemble, des déplacements et des dépassements adviennent. Elles le font sans chercher à se convaincre ou se convertir, mais dans l’écoute attentive, depuis une sensibilité au diapason. Parfois, des voix se mettent en sourdine, laissent de l’espace à celles qui jouent fortissimo, avant de reprendre en choeur. Les voix des Soulèvements s’efforcent toujours d’éviter la cacophonie des dissociations et des oppositions binaires par un art subtil des accords et des arrangements. Elles éprouvent ainsi l’harmonie des dissonances, comme la note bleue dans le jazz.
Le devenir de ce processus de composition à l’œuvre dans les Soulèvements, c’est peut-être une forme de créolisation politique. C’est-à-dire la construction hybride d’un langage commun et d’une culture nouvelle qui transcendent différentes sensibilités politiques, sans pour autant les fondre et les confondre, et qui dans son sillage laisse une trace indélébile.
Les langues créoles sont des traces frayées dans la baille de la Caraibe ou de l’océan Indien. La musique jazz est une trace recomposée qui a couru le monde.
Édouard Glissant
Blue Monk
Les droits d’auteur de du livre « ON NE DISSOUT PAS UN SOULEVEMENT – 40 voix pour Les Soulèvements de la terre » sont versés aux Soulèvements de la terre – achetez-le !
Face au désespoir qu’induit la situation climatique observée à l’échelle globale, les Soulèvements de la terre parient sur l’effet boule de neige, grâce à des actions concrètes, territorialisées, liées par un enjeu commun : celui de la terre qu’on malmène, couvre de béton, accapare, assoiffe. Et qui, soudain, se soulève.
Un jeune homme affublé d’un costume d’escargot escalade des cylindres entremêlés. Bleu, noir, rouge, jaune, vert: l’horizon des JO 2024 orne le parvis de l’hôtel de ville parisien. Quelques mètres sous les pieds du grimpeur, des bottes de foin entassées servent d’estrade pour les prises de parole venues des points cardinaux d’Île-de-France. Triangle de Gonesse au nord, plateau de Saclay au sud, Châtres à l’est et Thoiry à l’ouest : les terres fertiles des quatre coins de la région se voient inexorablement couvertes d’un béton rampant. Inexorablement? Jusqu’à ce que ces terres se soulèvent. Et c’est précisément ce qui rassemble ces activistes, agriculteurs et citoyens, réunis sous la bannière des « Soulèvements de la terre » qui, depuis bientôt un an, sillonnent le pays. Par ce week-end ensoleillé d’octobre, ils s’égosillent sous les fenêtres de la maire de Paris, Anne Hidalgo. « Mais ce n’est pas forcément représentatif de nos modes d’action, d’habitude, on se retrouve sur les terres à défendre, on les occupe, c’est du concret », s’empresse de tempérer Antoine*, venu en stop de Notre-Dame- des-Landes. Deux semaines plus tôt, les Soulèvements de la terre joignaient leurs forces à celles du collectif Bassines non merci, qui s’oppose à un projet de construction de gigantesques cuves d’eau dans le Marais poitevin, destinées à alimenter des exploitations agricoles productivistes. « Par cette mobilisation, on fait aussi de l’éducation populaire : le sujet de la préservation des ressources en eau, qui concerne toute la population, sort enfin du seul microcosme qui était en train de le discuter, dans le monde agricole », se réjouit Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat agricole intégré aux Soulèvements de la terre. Une bassine, c’est un cratère plastifié, creusé sur huit hectares en moyenne, devant retenir l’eau pompée en hiver afin d’alimenter, en été, les grandes cultures intensives de la région. Une vingtaine sont prévues. Le 22 septembre, plus de 500 personnes issues du monde paysan, du collectif Bassines non merci, des mouvements climat – Youth for Climate, Extinction Rebellion –, et des zadistes de Notre-Dame-des-Landes, aidées d’un troupeau de brebis, sont parvenues à faire reculer les bulldozers. « Quand ce genre de rencontres se produit, mêlant d’un côté l’expérience de la diffusion et de la capacité logistique au niveau national et, de l’autre, un collectif local qui croit dur comme fer qu’il faut coûte que coûte se mobiliser, ça fait un combo un peu magique », s’enthousiasme Antoine. Les Soulèvements de la terre ne sont pas une énième association de défenseurs de la planète, ni un rassemblement inter-organisations, ni une plate-forme de convergence des luttes paysannes et climatiques. Léna Lazare, porte-parole de Youth for Climate et membre de cette nébuleuse activiste, les voit plutôt comme une « campagne d’actions ». « Soulèvements », pluriels comme les collectifs qui s’y joignent. « Terre », mais avec un petit «t», celle qui grouille et qui vit, ancrée dans le sol, loin des abstractions majuscules. Les Soulèvements de la terre, c’est la tentative de construire un réseau de luttes locales, tout en impulsant un mouvement de résistance à grande échelle, une « reconnexion des luttes par le bas », analyse Nicolas Girod. Après un premier appel lancé en début d’année dans les réseaux militants afin de radicaliser les actions autour des questions liées à la bétonisation des terres, la deuxième saison, qui s’ouvrait dans les Deux-Sèvres contre les bassines, s’est donné pour thème la lutte contre l’accaparement des terres et leur intoxication par le système agro-industriel.
« ON N’A PLUS LE LUXE D’ATTENDRE QUE LA PROCHAINE GÉNÉRATION S‘ENGAGE »
Depuis mars dernier, les actions menées par les Soulèvements se sont multipliées : à Besançon pour défendre les jardins ouvriers des Vaîtes, à Rennes contre l’agrandissement du stade de foot, au Puy-en-Velay contre le projet de déviation de la RN88, à Saint-Colomban contre l’extension des carrières de sable, ou encore en juin dernier, un peu partout, pour bloquer l’industrie du béton. « Depuis 2019, avec les principaux acteurs des mouvements climat, on tentait de créer des convergences avec les mouvements sociaux, mais on se trouvait un peu dans une impasse », admet Léna Lazare. Avec le Covid, certains ont eu l’espoir d’un « monde d’après » différent, mais, dans les faits, l’activisme climatique comme les milieux autonomes ont surtout vécu, ainsi que le reste du monde, une longue période d’hibernation. Du côté de la ZAD, Antoine corrobore. « Il y a des généra- tions qui s’engagent et qui perdent foi, des militants des marches climat ou des paysans qui abandonnent face aux grandes exploitations. Mais on n’a plus le luxe d’attendre que la prochaine génération s’engage, il fallait se structurer, lier des groupes locaux dont les ambitions dépassent la question locale. » C’est à ce moment qu’adviennent, à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les Assises de la Terre. Paysans, autonomes, mouvements climat : tous avaient des a priori les uns sur les autres, n’avaient « jamais pris le temps de se concerter de cette manière », constate Léna. Les Soulèvements de la terre émergent de cette urgence de faire front commun, comme le résume leur premier communiqué rédigé à l’issu de ces Assises, en janvier dernier : « Nos luttes, séparées les unes des autres, sont impuissantes. Syndicalisme paysan, mouvements citoyens, activismes écologistes, agitations autonomes, mobilisations locales contre des projets nuisibles, ne parviennent pas à renverser la situation. Il est nécessaire d’inventer des résistances nouvelles. » Ces premières rencontres ont eu lieu dans des bocages à forte portée symbolique : ceux de Notre-Dame-des-Landes. « La bataille victorieuse qu’on a menée sur ces terres, contre la construction de l’aéroport, nous a conduits non seulement à faire dialoguer des organisations qui avaient des pratiques différentes, mais aussi à cultiver la terre par nous-mêmes pour l’habiter et se nourrir. Par ce biais, certains sont devenus paysans », explique Antoine. C’est, entre autres, de ce succès que s’inspirent les Soulèvements, fondant leur campagne d’actions sur trois piliers : unir les forces de paysans, d’activistes écolos et de zadistes autonomes, partir du local, concret, contextualisé, et faire de la terre, au sens foncier du terme, le cœur de tous ces combats.
LA QUESTION FONCIÈRE, « RÉVOLUTIONNAIRE »
Notre-Dame-des-Landes est devenue emblématique de l’articulation entre luttes locale et globale. « Le climat, c’est l’aéroport. Le climat, la destruction des sols, c’est le béton. On peut retrouver de la force en sortant d’une généralité abstraite et assez désespérante, en se cristallisant sur des enjeux sur lesquels on peut agir de façon concrète. Et parier sur l’effet boule de neige : si on les fait reculer quelque part, peut-être vont-ils reculer d’eux-mêmes ailleurs. Ou que nous serons plus nombreux à nous sentir capables de les faire reculer», détaille Antoine. Pour ne pas s’éteindre, une lutte a besoin de victoires ; et lorsqu’il est moins question de Terre que de terres, ces victoires deviennent plus accessibles. Elles permettent «d’insuffler une culture de la résistance pour être ensuite plus forts, à une plus grande échelle, grâce aux thématiques communes de ce tissu de luttes préexistantes », ajoute Léna. Maxime Gaborit, doctorant à l’université Saint-Louis – Bruxelles et à Sciences Po, mène actuellement une thèse sur les formes de contestation des militants pour le climat, qu’il suit depuis plusieurs années. Pour lui, cette démarche est aux antipodes des mouvements climat traditionnels, « de leurs marches très globales, désincarnées, déconnectées des luttes locales, qui interpellent directement l’État pour un changement de politique». Si le foncier est lui aussi central dans le combat des Soulèvements, c’est qu’« à la croisée de la fin du monde et de la fin du mois, du soulèvement des Gilets jaunes et de la jeunesse qui s’agite pour le climat, il y a la réappropriation et la défense de la terre comme bien commun ; c’est une question politique, révolutionnaire », explique Antoine. L’équation foncière est en effet vertigineuse. La surface agricole représente 50 % du territoire national. Dans les 10 ans qui viennent, en raison du vieillissement des agriculteurs, la moitié des fermes en France vont changer de main. Et, à défaut d’une inflexion de la dynamique actuelle de reprise des terres, elles seront utilisées soit pour agrandir des exploitations industrielles, soit pour de nouvelles constructions 1. Afin d’endiguer le désastre, il faut « aller à la bagarre aussi bien sur le terrain que dans les institutions: reprendre les terres accaparées en semant, en moissonnant, en occupant, comme le faisait le mouvement des paysans travailleurs2 », explique Nicolas Girod. Si le consensus sur les leitmotivs de cette campagne d’actions semble régner parmi les divers participants, il est plus ardu de trouver un terrain d’entente sur la méthode. Sabotage, pas sabotage ? Désarmement, désobéissance civile ? « Sur l’action des bassines, il y avait des retraités du coin, des membres d’Extinc- tion Rebellion avec leurs méthodes bien rodées, des gens un peu énervés aussi, qui avaient envie de péter des machines… » raconte Léna Lazare. Bien qu’une forme de radicalité globale soit assumée, d’interminables AG se tiennent avant chaque action pour respecter les limites de chaque organisation. « Pour la Confé- dération paysanne, la limite, c’était qu’on évite toute confrontation directe avec le congrès de la FNSEA, parce qu’en tant que syndicat, si ça part en guerre ouverte, c’est tendu pour eux», illustre la porte-parole de Youth for Climate. Un «profond respect des différentes organisations et manières de lutter » que salue Nicolas Girod.
« Les Soulèvements de la terre, c’est la tentative de construire un réseau de luttes locales, tout en impulsant un mouvement de résistance à grande échelle. »
Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le 29 juin. Plus de 400 personnes ont occupésimultanément quatre infrastructures majeures alimentant le Grand Paris en béton, dont trois appartenant à Lafarge Holcim (en procès pour avoir participé au financement de Daesh en Syrie). L’action, coorganisée par les Soulèvements de la terre et Extinction Rebellion, s’inscrivait dans une action baptisée Grand Péril Express visant à alerter au sujet de l’artificialisation et de la bétonisation du Grand Paris. Les activistes ne se sont pas contentés de bloquer provisoirement les sites, mais les ont « désarmés ». Diverses actions collectives se sont déployées pour neutraliser les matériaux, inonder ou bétonner des machines, ensabler des réservoirs d’engins et interrompre la production pour plusieurs jours, démultipliant le coût financier du blocage pour le cimentier.
« ON CRÉE LA SURPRISE, UN PEU COMME LE CORTÈGE DE TÊTE EN MANIF »
Chaque organisation qui prend part aux Soulèvements est nourrie par sa propre histoire politique. Certains zadistes de Notre-Dame-des-Landes ont construit des barricades, vécu des confrontations très violentes avec les forces de l’ordre. Les traditions des mouvements autonomes nourrissent leurs imaginaires. La Confédération paysanne a, elle aussi, « une histoire d’action directe inscrite dans son ADN », rappelle Nicolas Girod, mais avec des méthodes qui lui sont propres : lorsque José Bové démonte le McDonald’s de Millau en 1999, il le fait à visage découvert, se rend lui-même à la juge d’instruction pour être placé en détention provisoire et savoure le procès politique qui s’ensuit. Le mouvement climat, lui, est constitué de nombreux « primo-militants », parfois inexpérimentés, pas tous nourris par une quelconque histoire des luttes. « Le climatisme est un environnementalisme dont l’homogénéité n’était qu’apparente lors des marches massives: ce n’est pas un mouvement politique, il n’a ni tradition politique ni imaginaire », explique Maxime Gaborit. L’impuissance de leurs modes d’actions, constitués de marches massives mais policées, s‘explique, selon Maxime Gaborit, par ce que le mouvement climat a voulu incarner : une justice en surplomb, au-dessus de l’État qui, lui, se situerait du côté de l’injustice par ses lois, «ce qui impliquait, pour être crédible, une non-violence irréprochable »
Ces mouvances peuvent donc sembler politiquement irréconciliables. Mais au lieu d’être un handicap, cela joue plutôt en faveur des Soulèvements, une fois sur le terrain. « Plein d’orgas différentes sont à un même endroit, il y a des banderoles, des chants… les flics sont un peu perdus, ne savent pas sur qui taper. Pour l’instant, on crée la surprise, un peu comme le cortège de tête en manif », se réjouit Léna. Un exemple loin d’être anodin, estime Maxime Gaborit. La présence accrue du « cortège de tête » lors de manifestations a renforcé un pôle autonome de gauche dans les mouvements sociaux, ce qui « a nourri une frange du mouvement climat dans sa nécessité d‘investir un nouvel imaginaire, plus radical et politique ». Et c’est aussi par ces mouvements que le lien avec les paysans devient possible. « Depuis les Gilets jaunes, certains ont ouvert les yeux sur la nécessité de prendre en compte les revendications et modes d’actions issus des classes populaires, là où le mouvement climat était souvent hors-sol, déconnecté », développe le chercheur. Foncière, locale, radicale et politique, la campagne des Soulèvements de la terre ne fait que commencer. « Le réseau et la confiance ne se décrètent pas, l’intelli- gence du débat politique et des formes d’actions non plus. On a constaté qu’on pouvait se faire confiance en prenant des risques communs. On voit que nos alliances sont fertiles et nécessaires, que toutes les luttes auxquelles on a participé s’en sont trouvées renforcées », observe Antoine. Ensemble, ces militants sont sortis « d’une forme de nihilisme partagé, de désabusement tranquille qui induirait un retour à des formes de vie plus individualistes », célèbre le jeune zadiste à l’aune du premier anniversaire de cette convergence. Le regard déjà résolument tourné vers l’avenir : « En mars, on s’attaque à Monsanto ! »
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Le prénom a été modifié.
Un arsenal législatif (loi du 20 mars 2017, proposition de loi du 26 mai 2021) vise à protéger les terres agricoles, en limitant l’étalement urbain et la concentration excessive des exploitations agricoles. Mais il existe des outils pour dérogeraux réglementations en vigueur. ↩︎
Mouvement qui se structure au cours de la lutte contre le projet d’extension d’un camp militaire dans le Larzac dansles années 1970, et qui donnera lieu à la création de la Confédérationpaysanne en 1987. ↩︎
JOURNÉES D’ACTION CONTRE LAFARGE ET LE MONDE DU BÉTON
Le moment me parait opportun de partager le sens du mot « Désarmement ».
En 1975, le dynamitage de la pompe du circuit hydraulique de la centrale de Fessenheim alors en construction, mené entre autres par la pionnière écoféministe Françoise d’Eaubonne, marque l’irruption du sabotage dès les prémices du mouvement écologiste en France.
La même année paraît, de l’autre côté de l’Atlantique, Le Gang de la clé à molette d’Edward Abbey. Ce roman initiatique narre comment un groupe d’américain·es insoupçonnables, amoureux·ses de leurs grands espaces, s’organisent discrètement pour détruire des bulldozers ou faire sauter un barrage. Par‑delà certains penchants politiques douteux, il ouvre la voie à la pratique aussi populaire que malicieuse de l’écosabotage, dont les mille et une techniques seront synthétisées dix ans plus tard dans le fameux guide Ecodefense .
Depuis lors, en petits groupes nocturnes ou en foules diurnes, dans les champs d’OGM et les ZAD, des élans d’arrachage, déboulonnage, crevaisons et autres feux de joie ont toujours accompagné les grandes mobilisations écologistes. L’efficacité immédiate de ces multiples gestes leur a valu d’être la cible de constants efforts de criminalisation et d’une labellisation au forceps dans la catégorie des actions « violentes » et pourquoi pas « terroristes ».
Alors qu’à l’aube des années 2020, de nouvelles formes de résistance se cherchent dans le sillage des marches pour le climat, le sabotage pâtit d’une réputation sulfureuse, aussi risquée que marginale. Et les premières actions de Youth For Climate ou d’Extinction Rebellion s’orientent souvent vers des démarches plus symboliques ou se contentent de blocages temporaires, censés leur assurer un appui plus sûr dans l’opinion publique. Pourtant, l’urgence climatique d’un côté, et de l’autre, la capacité de multinationales comme Lafarge à étouffer les occupations successives de leurs sites, pousse à intensifier la pression.
C’est dans ce contexte qu’une nouvelle génération de militant·es, faute d’avoir été prise en compte par leurs gouvernements, se penche avec attention sur les propositions du géographe suédois Andreas Malm, dans son bréviaire Comment saboter un pipeline 1 : « Une raffinerie privée d’électricité, une excavatrice en pièces : saborder des biens n’est pas impossible après tout. La propriété n’est pas au‑ dessus de la terre : il n’y a pas de loi technique, naturelle ou divine qui la rende inviolable dans la situation actuelle. »
Le mardi 29 juin 2021, le terme de « désarmement » est revendiqué à l’issue d’une occupation simultanée de quatre cimenteries Lafarge lancée par les Soulèvements de la Terre et Extinction Rebellion. Des centaines d’occupant·es ne se sont pas contenté·es de bloquer le site mais revendiquent cette fois avoir neutralisé les matériaux, inondé ou bétonné des machines, ensablé des réservoirs d’engins afin de maintenir les sites à l’arrêt après leur départ : « Lafarge et ses complices n’entendent rien à la colère des générations qu’ils laissent sans avenir dans un monde ravagé par leurs méfaits. Leurs silos et malaxeuses sont des armes qui nous tuent. Ils ne cesseront pas sans qu’on les y force. Nous allons donc continuer à démanteler ces infrastructures du désastre nous‑ mêmes. Nous appelons toutes celles et ceux qui se soulèvent pour la terre à occuper, bloquer et désarmer le béton. »
Par rapport au terme de « sabotage », celui de « désarmement » offre l’avantage d’expliciter directement la portée éthique du geste et la nature des cibles, de relier la fin et les moyens. Tandis que le sabotage renvoie dans le Code pénal à la « destruction d’infra structures vitales pour le pays », le désarmement vise des infrastructures toxiques et destructrices. Il relève de la légitime défense, d’une nécessité vitale face à la catastrophe.
Quelques mois plus tard, le porte‑ parole de Bassines Non Merci annonce au milieu d’un chantier à côté d’un tractopelle démembré que « pour une bassine de construite, il y en aura trois de détruites ». Cet appel sera immédiatement suivi de faits. Dans sa forme la plus collective, avec 3 000 personnes qui découpent peu après une bassine à coups de cutter tandis que la Confédération paysanne en démonte la pompe. En catimini, par des groupes aux noms fleuris comme le Gang du cutter à roulettes ou les Fremens du Marais poitevin, qui désarmeront douze autres bassines avec tuto vidéo à l’appui. Tou·tes font ainsi monter d’un bon cran la pression sur les irrigants, les coûts de sécurisation et les doutes sur la viabilité de ces infrastructures.
Tandis que le « désarmement » est désormais fréquemment invoqué pour caractériser des interventions sur diverses autres cibles, les renseignements généraux s’affolent du rôle joué par les Soulèvements de la Terre dans la « diffusion et l’acceptation de modes opératoires plus offensifs » et dans la bascule de « militants habituellement adeptes d’actions de désobéissance civile vers la résistance civile ». La procédure de dissolution vient alors tenter d’endiguer une hypothèse politique qui menace de se concrétiser : le désarmement sera aux révoltes écologistes du xxi e siècle ce que le sabotage, théorisé par Pouget, fut à certaines grandes grèves ouvrières du début du xx e , un prérequis autant qu’une colonne vertébrale.
Une foule en mouvement de 30 000 têtes en pleine campagne est un spectacle étrange. Le nombre de personnes à Sainte‑ Soline a décuplé par rapport à la manifestation contre une mégabassine à laquelle j’avais participé une petite année plus tôt. Celui de celles de mon âge et plus âgées que j’ai rencontrées pendant la longue marche vers et depuis la bassine m’a fait comprendre pour la première fois pourquoi Macron est si déterminé à retarder l’âge de la retraite.
La dernière fois qu’autant de personnes se sont levées et déplacées de toute la France pour se réunir dans ce que les citadins ont tendance à appeler le « milieu de nulle part » à la campagne, c’était, je crois, il y a cinquante ans pour soutenir les éleveurs de moutons sur le Larzac. À la même époque, à l’autre bout du monde, un grand nombre d’étudiants japonais se déplaçaient régulièrement depuis Tokyo à la campagne pour aider les paysans qui essayaient d’empêcher que leurs terres ne soient transformées en ce qu’ils appelaient une « passerelle vers le vide » : l’aéroport de Narita. Et à peu près à la même époque, Henri Lefebvre faisait une observation intéressante. Il pensait qu’il est dans la nature des luttes écologiques à propos de la terre – de ses usages, de sa défense – de créer des alliances très improbables, des alliances qui transcendent l’identité, et même l’idéologie. Ce sont des batailles qui réunissent des personnes très diverses. Elles ont pour effet de produire une forme de solidarité dans la diversité extrême qui, je crois, est née avec la ZAD de Notre‑ Dame‑ des‑ Landes et qui représente un investissement massif dans l’organisation de la vie en commun, sans ces exclusions au nom de l’idéologie ou de l’identité qu’on a trop connues dans le passé. Dans le cas des Soulèvements de la Terre, les trois principales composantes du mouvement – paysans et syndicalistes de la Confédération paysanne, jeunes militants du climat, autonomes –, sont tout aussi variées. Par leur souplesse et leur respect mutuel, par un sens clair de l’ennemi partagé, et surtout par des gestes de coopération répétés, elles parviennent à constituer un front commun.
Les Soulèvements de la Terre sont un mouvement que n’importe qui peut rejoindre. Ce n’est pas un parti politique. Ce n’est pas une classe sociale. Ce n’est pas générationnel. Et pourtant, c’est très organisé. Ses activités sont hautement publiques et populaires et comprennent la divulgation aux urbains des crimes perpétrés dans les campagnes par ce syndicat du crime écologique, la FNSEA, parmi d’autres.
C’est la forme même du mouvement qui m’intéresse et qui, pour moi, évoque une variation ancienne de celle de la commune, retravaillée et rendue disponible pour affronter les nouvelles conditions sociales, économiques et écologiques du présent. La forme‑ commune est une manière de faire vivre les communs, qui éclôt quand l’État se retire. Les communes sont toujours aussi marquées par le pragmatisme qu’elles sont ancrées dans une situation locale. Elles se confrontent aux conditions du présent en se servant de façon créative des ressources du passé. Mais là où la commune ancienne était liée à la défense de son site régional particulier, le mode contemporain se manifeste dans de nombreux territoires qui se trouvent ainsi fédérés par les actions des Soulèvements de la Terre. Ces actions s’appuient sur des lieux concrets, sur les besoins spécifiques et les formes de vie de leurs habitants. Étant dans le même temps une lutte et un mode de vie, la forme‑ commune aborde la vie quotidienne en commun de façon immédiate et concrète. En tant que telle, c’est une lutte qui contient déjà des éléments d’une vie au‑ delà de la société capitaliste. C’est bien la forme des Soulèvements de la Terre, ainsi que son succès réel dans le domaine de l’éducation politique, qui à mon avis suscite le degré élevé de panique parmi les élites dont nous avons été témoins à Sainte‑ Soline et dans ses vies ultérieures.
Autonomie : mot difficile, mot piégé, aux sens multiples et parfois contradictoires. Parlera‑ t‑ on de la liberté individuelle du sujet moderne ? Assurément non. De la décentralisation, notamment régionale, du fonctionnement de l’État ? Pas davantage. De l’autonomie des luttes ouvrières à l’égard des partis et des syndicats ? Pas exactement, même si l’on sait combien les dynamiques italiennes des années 1970 ont pu irriguer.
Partons plutôt du sens que les zapatistes du Chiapas donnent à ce terme. Pour eux, l’autonomie consiste à déployer et défendre des manières de vivre qu’ils éprouvent comme leurs – une liberté collective qui suppose rien de moins que de tenir à distance les logiques destructrices de la marchandisation capitaliste et les formes de dépossession induites par la représentation étatique. Malgré d’immenses difficultés, ce que les zapatistes ont construit dans les territoires rebelles du Sud‑ Est mexicain est l’une des expériences d’autonomie les plus remarquables de la période récente, par sa radicalité, son extension géographique (une région comme la Bretagne) et sa longévité (trois décennies).
L’articulation entre autonomie politique et autonomie matérielle, dans une logique de subsistance, est essentielle. Dans le sillage du soulèvement armé de l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN), le 1 er janvier 1994, 150 000 hectares ont été repris aux grands (ou moyens) propriétaires. Des terres que l’on dit « récupérées », car les communautés indigènes en avaient été spoliées, principalement au xix e siècle. Bel exemple de reprise de terres ! De fait, pour les zapatistes, « la terre est la base matérielle de l’autonomie » ; et c’est en grande partie grâce au travail collectif accompli sur ces terres récupérées qu’il est possible de soutenir l’organisation des systèmes de santé et d’éducation autonomes.
Quant à l’autonomie politique, elle prend la forme d’unautogouvernement populaire, avec ses assemblées et ses conseils élus, tels les « Conseils de bon gouvernement » qui, depuis 2003, fédèrent plusieurs communes autonomes et rendent leur propre justice. L’expérience montre qu’il faut des instances et des règles partagées pour faire vivre le commun. Mais aussi une grande attention à la déspécialisation des tâches et à la révocabilité des mandats, aux allers et retours entre assemblées et conseils, à la nondissociation des univers de vie entre ceux qui assument des charges temporaires et les communautés dont ils font partie. L’autonomie zapatiste rompt ainsi avec le modèle classique de la révolution, guidée par une avant‑ garde éclairée et faisant de l’État le levier de la transformation. Au contraire, c’est à partir d’une dignité partagée par toutes et tous – à partir aussi de l’attachement à des formes de vie autodéterminées – que se déploie la capacité collective à s’organiser par soi‑ même.
Ainsi conçue, l’autonomie n’est pas la liberté des modernes, pensée dans le déni des interdépendances. Elle œuvre à rebours de l’individu atomisé et dissocié du maillage relationnel qui rend son existence possible. Elle se déploie dans la pleine reconnaissance des entrelacements interspécifiques sans lesquels aucune vie, humaine ou non humaine, ne peut prospérer. Il faut donc à la fois récuser l’hétéronomie (le fait que des puissances oppressives nous imposent des règles de vie) et accepter la dimension hétérotrophe de l’autonomie (soit ce par quoi on se nourrit des relations à autrui).
L’autonomie n’est pas non plus l’autarcie. Elle s’ancre dans les lieux que l’on habite, dans les expériences situées. Mais cette nécessaire localisation n’implique ni enfermement localiste ni repli identitaire. Du reste, il serait illusoire de concevoir les espaces autonomes comme des refuges douillets permettant de vivre à l’écart de la catastrophe. Pour les zapatistes, ils sont plutôt des points d’appui dans la guerre contre l’hydre capitaliste. Et si, dans la dynamique des Soulèvements de la Terre, la territorialisation des luttes est indispensable, il s’agit aussi de relier les combats locaux, pour démultiplier les énergies collectives et engager un basculement écologique et politique radical.
Dans la démarche de l’autonomie qui émerge là‑ bas comme ici, lutter contre et œuvrer pour sont indissociables. Construire sans résister serait aussi vain que résister sans construire serait stérile. D’un côté, une nécessité vitale absolue impose de tirer le frein d’urgence, par la combinaison de diverses stratégies de blocage des rouages du monde de l’Économie. De l’autre, il s’agit de multiplier les espaces libérés qui sont autant de mondes émergents et autant de gages de futurs désirables, alliant suffisance matérielle et plénitude créative, vie digne pour toutes et tous et préservation de l’habitabilité de la Terre. Articuler la multiplicité inhérente au foisonnement des expériences d’autonomie et la reconnaissance d’un commun planétaire qui en est la condition est ce que l’on peut entendre dans l’aspiration zapatiste à « un monde où il y ait place pour de nombreux mondes ».
Jérôme Baschet
N’hésitez pas à acheter cet excellent ouvrage dédié aux blessé-e.s de Sainte-Soline et dont les droits d’auteur sont versés aux Soulèvements de la Terre.