Avant-propos de l’Initiative internationale Liberté pour Abdullah Öcalan – Paix au Kurdistan

20 mars 1993. Au bar Elias, quelque part au Liban, se tenait une réunion inhabituelle de cadres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il annonçait pour la première fois un cessez-le-feu unilatéral.

Fondé en 1978, le parti avait pris conscience qu’il n’était plus d’autre moyen que la lutte armée pour défendre les droits du peuple kurde, notamment après le coup d’État militaire de 1980, en Turquie. Le PKK prit donc les armes en 1984.

Huit ans et demi plus tard, Abdullah Öcalan surprenait ses amis autant que ses adversaires en annonçant que le PKK se montrait prêt à une solution politique à l’intérieur des frontières actuelles de la Turquie. Il démontrait ainsi, sans doute pour la première fois devant les caméras de télévision turques, qu’il était capable de déjouer les pronostics et de développer de nouvelles idées. Largement considéré comme un mouvement de libération nationale, le PKK n’avait jamais souhaité devenir la copie dogmatique d’un quelconque modèle d’organisation décrit par un auteur socialiste classique. Ce parti cherchait des solutions – au cœur de cette quête se trouvait Abdullah Öcalan.

Beaucoup – de ses amis comme de ses adversaires – n’ont pas pris au sérieux son annonce. Ils souhaitaient le reléguer dans le même sac que n’importe quel leader de guérilla nationale et balayer son offre au motif qu’elle relèverait de la tactique pure et simple. Le cessez-le-feu a échoué peu de temps après la mort, suspecte, du président de la Turquie, Turgut Özal, au moment même où celui-ci envoyait des signaux positifs quant à la résolution de la question kurde. Au sein du mouvement kurde, on cherchait alors à découvrir de nouveaux concepts.

Bien que le PKK se soit structuré autour de l’idéologie marxiste et sur le modèle du parti léniniste, ses militants s’avéraient pour le moins critiques à l’endroit du « socialisme réellement existant2 » tel qu’il existait en Union soviétique ou dans l’Europe de l’Est – qu’il s’agisse de la forme du parti, de la bureaucratie, de la dictature du prolétariat ou de la libération des femmes. En 1991, le bloc soviétique s’était totalement effondré : de nombreux mouvements dits « socialistes » s’en allaient connaître le même destin.

Depuis ce fameux jour au bar Elias, le PKK a connu bien des changements révolutionnaires de paradigme, dont nombre émergèrent des discussions au sein de l’Académie du peuple, près de Damas. Elles réunissaient Abdullah Öcalan et quantité de révolutionnaires et de gens ordinaires, de 1993 à ce jour d’automne 1998 où Öcalan se vit contraint de quitter la Syrie sous la pression de la Turquie et des États-Unis d’Amérique. C’est sur la base de ses ­discours et des débats menés dans cette école que des analyses philosophiques et politiques, traitant de multiples sujets, seraient publiées. Avant son enlèvement et son incarcération, en 1999, bien des ouvrages basés sur ses réflexions sur le sexe et le genre avaient déjà été publiés – parmi lesquels les trois volumes de Nasıl yaşamalı? (« Comment vivre ? »), sortis à partir de l’année 1995. Le titre d’un ouvrage rassemblant des interviews d’Öcalan, Erkeği öldürmek (« Tuer le mâle »), est devenu une expression courante parmi les Kurdes.

Öcalan a d’ailleurs inventé de nombreux slogans. Songeons à « Un pays ne peut être libre sans que les femmes ne le soient », propos qu’il reprit plus tard de manière plus radicale encore : « Pour moi, la libération des femmes est plus importante que celle de la terre natale. » Il redéfinissait ainsi la libération nationale comme devant être, avant tout, celle des femmes. Dans ses écrits de prison, leur libération apparaît constamment comme un élément central de ses réflexions sur l’Histoire, la société contemporaine et l’activisme politique. Ses observations des pratiques dans les pays socialistes « réels », de même que ses propres efforts théoriques et pratiques depuis 1970, l’ont amené à la conclusion suivante : l’asservissement des femmes est à l’origine de toutes les autres formes d’asservissement. Cela s’explique non par une différence d’ordre biologique entre les hommes et les femmes, mais par le fait que la femme était la créatrice et la dirigeante du système matriarcal au temps du néolithique3.

Le 2 février 1999, un jet Falcon atterrissait, le temps d’une brève escale, à l’aéroport international Jomo-Kenyatta de Nairobi, au Kenya. À son bord se trouvait Abdullah Öcalan. Il arrivait de Grèce et se rendait en Afrique du Sud, où le gouvernement de Mandela avait accepté de lui offrir l’asile. Reste encore à comprendre pourquoi le gouvernement grec d’alors avait choisi cet arrêt à Nairobi – d’autant que, quelques mois auparavant seulement, une attaque terroriste contre l’ambassade américaine de Nairobi et de Dar es Salaam avait eu lieu. La capitale regorgeait d’agents de la CIA et du Mossad. Depuis plusieurs semaines, le périple tricontinental d’Öcalan l’avait fait passer par Damas, Athènes, Moscou et Rome ; il était sur le point de toucher à sa fin.

Le 14 février de la même année, un autre jet Falcon se posait à Nairobi, aéroport Wilson. Le pilote avait fait savoir qu’il venait récupérer un groupe d’hommes d’affaires. Mais cet avion allait être celui qui, le lendemain, « rendrait » à la Turquie le leader du PKK. Avec la collaboration des autorités kenyanes, Öcalan a été kidnappé et remis à l’armée turque : c’était là un acte de piratage international, qui impliquait la CIA, le MIT (les services secrets turcs) et le Mossad – sans parler du soutien des gouvernements russe, grec, ainsi que d’autres pays européens.

Ainsi prenait fin une histoire d’intrigue et de ruse ; ainsi s’achevait l’odyssée, digne des écrans de cinéma, d’Abdullah Öcalan et du peuple kurde. Ce fut également le début – fréquemment occulté – d’un programme d’enlèvements et d’extraditions secrètes conduit par la CIA, deux ans et demi avant le 11 septembre 2001, et de nouvelles séries d’interventions au Moyen-Orient, lesquelles conduisirent notre monde au bord d’une Troisième Guerre mondiale. L’enlèvement et l’extradition d’Öcalan sont une tache dans l’histoire diplomatique des pays impliqués.

Peu de temps auparavant, au mois d’octobre 1998, Öcalan s’était rendu en Europe à la recherche de soutien pour une solution pacifique à ce long et sanglant conflit turco-kurde. Sa main tendue vers la paix avait été refusée. Aucun pays ne souhaitait accueillir le leader kurde, ni prendre l’initiative de mener des négociations entre les parties en conflit. Mais les dés étaient lancés, et les Kurdes vus comme un obstacle sur le chemin des intérêts géostratégiques et économiques des principales puissances moyen-orientales. C’est de façon délibérée, afin d’en tirer quelque profit politique, que ces puissances ont consenti à l’escalade de la guerre en Turquie.

Durant près de onze ans, de 1999 à 2009, Abdullah Öcalan serait l’unique détenu de l’île-prison d’Imrali, dans les eaux turques de la mer de Marmara. Cette prison est le Guantanamo d’Europe : nul n’en parle. C’est une zone militaire déclarée, surveillée par 1 000 soldats. Tout au long des vingt années d’emprisonnement d’Öcalan, ce lieu a connu une aggravation continue et arbitraire de son régime d’isolement. Le fait

d’avoir intégré quelques prisonniers ­supplémentaires en 2009 n’a pas changé la donne – au contraire : le nombre de personnes soumises à des conditions d’isolement extrêmes a augmenté. Lorsqu’un processus politique était à l’œuvre, la situation s’assouplissait quelque peu ; dans le cas inverse, le régime de détention virait à l’isolement total : impossible d’avoir des nouvelles des prisonniers ; impossible, pour ces derniers, de recevoir la visite de leurs avocats et de leur famille. Les lettres et les appels téléphoniques étaient interdits – Öcalan s’est toujours vu refuser son droit à passer des appels.

Depuis avril 2015, après que le président turc Erdogan a mis fin aux pourparlers avec Öcalan et le PKK, la délégation politique des parlementaires du HDP4 est coupée de tout contact avec le détenu. Les mêmes restrictions s’appliquent aux cinq autres prisonniers de l’île. En mai 2019, pour la première fois depuis 2011, Öcalan a pu voir ses avocats. Le 12 août, son frère lui a également rendu visite : « Je transmets mes amitiés aux clans arabes et aux peuples. Les problèmes peuvent être résolus par la démocratie. La guerre n’a jamais été une solution », a alors déclaré Öcalan à propos du Rojava syrien.

Bien que le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) n’ait cessé d’envoyer sur place une délégation pour exiger la fin de l’isolement cellulaire, bien que la Cour européenne des droits de l’homme ait délivré des décisions de justice concernant l’isolement ou les procès inéquitables, la Turquie n’a exécuté aucun de ces arrêts ni suivi les recommandations en question. Le comité des ministres du Conseil de l’Europe, son Assemblée parlementaire, et même sa propre Cour, ferment les yeux sur les violations des droits humains que subit Öcalan, devenant ainsi complices de la Turquie.

L’isolement absolu qui sévit actuellement sur l’ensemble de l’île-prison d’Imrali – et qui a gagné d’autres prisons – constitue un précédent dans l’histoire de la Turquie et une grave violation de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est également un signe de l’escalade actuelle, mais aussi future, du conflit.

Öcalan vit dans une cellule de 13 mètres carrés. Sa construction et son système d’aération ont été conçus de telle sorte qu’il ne voit que des murs, et le ciel à travers un filet métallique. Ses livres ont été rédigés dans ces conditions extraordinaires. Il lui arrive d’être entièrement coupé du reste du monde, et ce durant plusieurs mois ; à d’autres moments, on lui refuse la possession de feuilles et d’un stylo, ou bien de plus d’un livre à la fois. Les 13 ouvrages issus de ses écrits de prison ont été rédigés à la main entre 1999 et 2010. Öcalan n’a jamais pu voir les tapuscrits ni les livres imprimés. Pas plus qu’il n’a pu échanger avec quiconque sur les réflexions qu’il couchait sur le papier. En dépit d’une si dure et longue réclusion, son sentiment de responsabilité quant à la résolution de la question kurde l’a conduit à trouver des solutions aux problèmes, tout à la fois nombreux, complexes et graves, auxquels les Kurdes font face – ainsi que le monde entier.

Öcalan a étudié la question de la libération des femmes, du pouvoir et de l’État, ainsi que la façon dont elles sont reliées. Cette réflexion l’a sans cesse mené à revenir sur l’Histoire, à trébucher sur les concepts de nation, d’État et d’État-nation, à saisir combien ils s’avèrent préjudiciables à tout mouvement : ils convertissent les individus les plus révolutionnaires en de simples acteurs du capitalisme. Aux yeux d’Öcalan, la critique et l’autocritique ne suffisent pas. Il lui faut exposer une possible alternative au mode de vie imposé à la société – d’où son effort pour appréhender les existences et les luttes de toutes les populations opprimées et exploitées au fil de l’Histoire, tout en proposant un mode de vie alternatif, hors de la modernité capitaliste et de la civilisation classique.

À la lumière des évolutions que connaissent la région et le Kurdistan, ses écrits prennent de l’importance. À l’heure où la guerre contre les femmes s’accroît de par le monde, ses analyses révèlent de quelle manière l’État incarne l’apogée de la masculinité – il est l’institutionnalisation du mâle dominant hégémonique. De plus, face au retour des conflits nationalistes et sectaires dans de nombreux endroits du monde, face aux effets d’un capitalisme agressif auquel le monde entier est confronté – autant de conséquences naturelles de l’État –, les propositions d’Öcalan, et les efforts déployés pour les mettre en pratique au Rojava (Kurdistan syrien) et au Bakur (Kurdistan turc), pourraient être les remèdes adéquats pour cette région frappée par la guerre. Öcalan fait appel à tous les peuples pour construire et défendre l’humanité et la vie libre.

Vous verrez que c’est ainsi qu’il interprète le droit à l’autodétermination des peuples : non comme le droit à fonder un État, mais comme une démocratie sans État. Une autogestion non étatique qu’il nomme « confédéralisme démocratique », et une « nation démocratique » qui ne serait pas définie en lien avec un État ni un groupe ethnique.

Les débats sur l’État-nation, les femmes, les intellectuels, la religion, et tant d’autres encore, n’ont rien de nouveau pour le peuple kurde. Ce qui l’est, c’est cette rupture des plus explicites avec toutes les mentalités patriarcales. Ce n’est qu’après son enlèvement et son procès-spectacle que ses écrits ont été traduits dans des langues occidentales.

De là vient l’idée fausse que ces écrits constitueraient un virage complet dans les idées d’Öcalan. Ce qui a changé, à l’évidence, ce sont les moyens de communication. Son dernier discours – sa plaidoirie dans la salle du tribunal d’Imrali, en 1999 – avait été sévèrement censuré par les autorités turques ; il n’avait dès lors pu atteindre le public qu’une fois imprimé. À compter de ce jour, les livres sont devenus son moyen de communication le plus important : il les lit par centaines et en a écrit plus d’une douzaine.

Au cours dudit procès-spectacle, la Cour de sûreté de l’État d’Ankara a jugé Öcalan coupable de ­tentative de renversement de l’ordre constitutionnel. Et l’a condamné à mort. C’est grâce à la pression internationale et à la résilience de la résistance du peuple kurde que la sentence n’a pas été appliquée. En 2002, la peine de mort a été abolie en Turquie ; en lieu et place, une nouvelle loi, taillée sur mesure pour Öcalan, est entrée en vigueur : la prison à perpétuité aggravée – soit la prison jusqu’à ce que mort s’ensuive, sans possibilité aucune de libération conditionnelle. Öcalan a porté plusieurs fois plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Ses livres sont des contributions techniques aux différents tribunaux – en turc, on les appelle savunmalar : des « défenses » –, mais ils sont tout autant une analyse de la question kurde. Öcalan dénonce le mécanisme de plainte individuelle de la Cour européenne des droits de l’homme : la plupart de ses plaintes ont été rejetées, au prétexte qu’elles ne constituaient pas des plaintes individuelles. Le soulèvement qu’il a initié est le résultat d’une répression continue des Kurdes de Turquie. De la même manière, les violations de droits qu’il subit en prison ne sont pas des mesures individuelles à son encontre : elles visent le symbole qu’il représente, celui de la lutte pour la liberté. Ainsi, ses « défenses » ne sont pas des défenses individuelles mais des écrits historiques, politiques et philosophiques destinés à mettre au jour les racines du conflit actuel, et à débattre de solutions. Cette recherche de réponses, toujours plus poussée, a mené Öcalan à remonter dans le passé, avant l’établissement du patriarcat, de la classe et de l’État.

Peu de temps après son enlèvement et son extradition, l’initiative internationale « Liberté pour Abdullah Öcalan – Paix au Kurdistan » a été créée. Elle a mené et part

icipé à de nombreuses campagnes, comme la pétition « Liberté pour Abdullah Öcalan et tous les prisonniers politiques en Turquie », qui a collecté plus de dix millions de signatures de par le monde. Publier les écrits d’Öcalan a pour nous une fonction importante : nous œuvrons non seulement à éditer ses travaux dans plusieurs langues, mais également à établir des brochures thématiques sur la base de plusieurs de ses ouvrages. Ces brochures rassemblent une série d’arguments sur des sujets spécifiques, jusqu’alors disséminés. Cela s’avère d’autant plus nécessaire que certains de ses travaux ne sont toujours pas traduits.

Quatre de ces brochures – qui forment les quatre chapitres du présent livre – ont été conçues à partir de ses écrits de prison. La première, intitulée Guerre et paix au Kurdistan, a été publiée pour la première fois en 2008. À cette époque, l’essentiel de ses écrits n’avait pas encore été traduit en anglais, ni même publié. Si nous étions conscients du fait que le mouvement de libération kurde avait abandonné, dans ses débats, la vision classique de la libération nationale (dès 1995, le PKK avait retiré de son programme l’objectif initial de création d’un État séparé), nous avons réalisé que la population, dans son ensemble, n’en savait rien. Nous avons dès lors éprouvé le besoin de clarifier la position actuelle du mouvement, à partir des mots mêmes de son ­principal ­théoricien. Une brève description de la question kurde et un court historique du conflit ont été rassemblés ici, aux côtés de l’histoire de la formation du PKK et du processus de transformation qu’il a connu.

Confédéralisme démocratique, parue en 2011, entend expliquer le concept du même nom, qu’Öcalan décrit pour la première fois lors de son message du Newroz5 de 2005. Pour beaucoup de Kurdes, considérer le droit à l’autodétermination des peuples autrement que par le droit à fonder un État revenait à se contenter de bien peu : ils avaient tendance à relier ce virage à l’emprisonnement d’Öcalan, captif de l’État turc. Avec cette brochure, importante, nous avons tenté de montrer que le confédéralisme démocratique était au contraire un concept ambitieux, qui exige une rupture radicale avec le patriarcat.

Cette brochure a été suivie par Libérer la vie : la révolution des femmes, en 2013. Elle expose la vision de l’histoire qu’a Öcalan, sous l’angle de la perte de liberté des femmes. Il y faisait savoir que la révolution des femmes n’est pas seulement la leur, mais bien celle de toutes les formes de vie. L’articulation qu’il propose, entre jin, jiyan et azadi – « la femme, la vie et la liberté » –, a rencontré un grand écho.

Enfin, La Nation démocratique, parue en 2017, formule une nouvelle définition de la nation : elle ne se caractérise plus par l’ethnie ou la culture, et ne s’articule pas à l’État. Une telle approche de la nation est un remède aux acceptions extrêmement politisées des identités auxquelles les monopoles de pouvoir ont recours pour rétablir, de façon combien rétrograde, leur propre hégémonie.

De toute évidence, ces pages ne sauraient restituer l’intégralité des critiques qu’Öcalan formule à l’encontre de la civilisation centrale6, pas plus qu’elles ne peuvent exposer l’ensemble de ses propositions pour construire un mode de vie philosophique et politique favorable aux femmes, à la société et aux individus. Son regard sur l’histoire, les révolutions passées et la religion revêtent la même importance, et le même caractère innovant. Dans un futur proche, nous espérons établir d’autres brochures ; pour l’heure, il est possible de pourchasser ses idées dans ses livres traduits dans leur intégralité. Oui, « pourchasser », car ce sont là des flots d’idées qui s’y déploient, singulières et en grand nombre.

Abdullah Öcalan n’est pas seulement un théoricien ; il est le leader d’un mouvement qui œuvre à la libération du peuple kurde et cherche comment mener une vie pourvue de sens. Raison pour laquelle ses écrits touchent tant de personnes. Toute sa

vie, et particulièrement lors de la lutte, il s’est soucié de la liberté des femmes ; il a toujours fortement encouragé les femmes du mouvement à s’opposer à la domination masculine. Sa critique du patriarcat a été source d’inspiration. Cette approche et cette conduite, de la part d’un leader d’une telle influence, a contribué à des évolutions politiques et sociales majeures. Durant de nombreuses années, il n’a cessé de parler de l’importance de dépasser les rôles préconçus des hommes et des femmes ; il a aussi encouragé la création de mouvements et d’institutions de femmes afin que celles-ci puissent elles-mêmes questionner et réorganiser leur vie, les hommes et la société. Désormais, en parallèle de la lutte de libération des Kurdes, une participation hors du commun des femmes s’élève, dans tous les aspects de la vie, au Kurdistan. Cet incroyable dynamisme et cette vitalité surprennent fréquemment les observateurs, qui ne s’attendent pas à cela dans une région du monde tenue pour franchement patriarcale.

La participation des femmes à la révolution du Rojava, au nord de la Syrie, a beaucoup attiré l’attention. La principale source d’inspiration de cette révolution est la pensée d’Öcalan. Il encourage perpétuellement tout un chacun à prendre en charge le travail intellectuel et, pour ce faire, à questionner et débattre de tout – ses écrits compris. Ses travaux sont étudiés et font l’objet de vifs débats parmi les rebelles et les activistes kurdes – des concepts pratiques naissent de ces échanges. Nous assistons donc à une formidable connexion entre la théorie et la pratique, à une échelle rarement égalée dans le monde.

En 2020, vingt et un ans après l’enlèvement d’Öcalan, la situation du peuple kurde a changé : ils ont modifié le cours de leur destin, celui d’être enterrés sous les décombres, et représentent une force active dans le mouvement de rupture d’avec les régimes patriarcaux, modernité capitaliste comprise.

Pour cette raison, la voix d’Öcalan est des plus essentielles. Mais, trop souvent, la voilà passée sous silence – isolement carcéral oblige. Sa libération est dans l’intérêt de tous les peuples du Moyen-Orient, et pas seulement des Kurdes. Comme vous le constaterez, les écrits de ce livre ne s’adressent pas uniquement à ces derniers. Nulle perspective ethnocentrée ou nationaliste dans ces pages : tout le monde peut y trouver matière à inspiration, et en tirer bénéfice. La révolution du Rojava peut être la première étincelle d’une vague de transformations au Moyen-Orient, voire au-delà. Avec votre soutien, lectrice et lecteur, cette vague portera également Abdullah Öcalan hors des murs de sa prison, vers la liberté.

Permettez-nous d’insister : les pages suivantes doivent être vues comme un aperçu d’un travail de pensée ; elles ne sauraient remplacer une lecture attentive de la totalité de ses œuvres. Nous vous prions de ne pas vous contenter de ces compilations : notre espoir serait qu’elles vous donnent l’envie de vous immerger dans ses livres, à partir desquels ces chapitres ont été tracés.

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