Cellules de prison et escadrons de la mort : la véritable première réponse au changement climatique

Un extrait édifiant de « Stratégies pour une révolution écologique et populaire » de Peter Gelderloos – p105-107.

En avril 2009, les représentants des 28 États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) se sont réunis à Strasbourg, en France, et juste de l’autre côté de la frontière à Kehl, en Allemagne. La plus grande alliance militaire de la planète avait le changement climatique à son ordre du jour, à un moment où les politiciens de la plupart des États membres étaient, au mieux, inactifs et, au pire, niaient activement la réalitéde la situation. Quelle solution ont-ils proposée au changement climatique ? Une augmentation de la « sécurité des frontières »,des identifications biométriques et de la surveillance de leurs populations nationales, et une réaffirmation de leur objectif consistant à normaliser l’utilisation nationale des forces militaires dans les environnements urbains d’ici 2020. Un document de stratégie publié avant le sommet énonce clairement que « les défis en matière de sécurité sont principalement de nature socio-économique, et non militaro-technique ». Le document poursuit en précisant que les menaces « socio-économiques » sont celles que posent les pauvres, les réfugiés climatiques et d’autres personnes en colère ou lésées par le statu quo, et qu’à ce titre, les États membres doivent continuer à travailler leur recours à l’action policière et militaire et être prêts à déployer l’armée sur leur territoire national.

Si vous êtes choqué par cette réponse ou que vous la considérez comme une sorte de non sequitur, c’est que vous n’avez pas réussi à saisir la véritable nature ou la portée de la crise écologique. Les gouvernements mondiaux, en particulier ceux du Nord économique, appréhendent la crise comme un problème de sécurité. Ils savent que le problème est réel, et que l’expansion des déserts et l’élévation du niveau des mers forceront des centaines de millions de personnes à quitter leur foyer afin de survivre. Leur solution consiste à militariser davantage les frontières – ces frontières de la forteresse Europe et du Sud-Ouest américain qui sont très certainement « conçues pour tuer » – afin que les personnes fuyant pour leur vie soient dissuadées par la possibilité très réelle de mourir au cours de leur voyage.

En gros, les principales organisations militaires du monde qui comptent déjà parmi les plus grands producteurs de déchets toxiques et de gaz à effet de serre, proposent de tuer encore plus de gens pour se protéger des conséquences de la crise dont elles sont en grande partie responsables. Et elles proposent également d’accroître la répression contre leurs propres citoyens, pleinement conscients que les classes inférieures souffriront partout du poids de la crise, et que des rébellions sont à prévoir au Nord comme au Sud.

Tandis que les riches et les puissants se retrouvaient au sommet, des milliers d’anarchistes et d’anticapitalistes, dans les rues, affrontaient la police et brûlaient des banques pour tenter de perturber la rencontre de l’OTAN. Bien évidemment, les médias les dépeignirent avec condescendance comme une horde de décervelés venus commettre des méfaits. En réalité, il s’agissait de personnes parfaitement conscientes de ce que l’OTAN préparait et des enjeux pour nous tous. Leur réponse pourrait être considérée comme la plus raisonnable et la plus intelligente, du moins si on la compare à celle des scientifiques et des ONG qui continuent de dialoguer avec les gouvernements qui parrainaient ce sommet.

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